Le gouvernement Michel semble vouloir renforcer le rôle des associations de patients dans le processus décisionnel de remboursement des soins de santé. Qu’en est-il vraiment ? Le point de vue d’Ulrike Pypops, directrice adjointe de l’Association Muco et membre du conseil d’administration de la Vlaams Patiëntenplatform (VPP).
Pourquoi les associations de patients souhaitent-elles être davantage impliquées dans les processus liés aux remboursements de médicaments ?
« Actuellement, le processus décisionnel concernant les remboursements manque de transparence. Quand une firme pharmaceutique introduit une demande ou quand la Sécurité sociale envisage de modifier, voire de supprimer un remboursement, les associations de patients ne sont pas souvent mises au courant et rarement sollicitées pour un avis… Or, notre point de vue mérite d’être connu, entendu et pris en compte. En effet, qui, mieux que les patients, savent ce que c’est que de vivre au quotidien avec telle maladie ou tel handicap ? Ils connaissent les inconvénients et les effets secondaires des médicaments. De plus, des structures telles que l’Association Muco dispose d’un important réseau de médecins spécialistes et de professionnels de la santé (kinés, diététicien(ne)s, etc.), experts de la mucoviscidose. Nous sommes donc doublement légitimes pour élaborer et délivrer un point de vue pertinent. »
Que pensez-vous de ces nouveaux sièges que la Ligue des Usagers des Services de Santé (LUSS) et la Vlaams Patiëntenplatform (VPP) vont bientôt occuper au conseil d’administration de la KCE ?
« Nous souhaitions depuis longtemps être officiellement reconnus comme des partenaires clés dans le processus décisionnel. Je suis convaincue que cette nouvelle implication va améliorer les choses, notamment au niveau de l’information systématique vers les associations de patients, que je viens d’évoquer. Ceci dit, il y a encore du travail ! Ce n’est pas parce que nous allons siéger au KCE que nous serons pleinement intégrés dans le processus de remboursement… »
Est-il souhaitable que les associations de patients puissent carrément voter la décision de rembourser ou pas un médicament ?
« Personnellement, je n’en suis pas sure. Pour la simple et bonne raison que, en tant qu’association de patients, nous serions à la fois partie prenante et juge… De plus, comme nous sommes nombreux (à elle seule, la VPP rassemble une centaine d’associations de patients, tandis que la LUSS en représente environ 80), nos avis peuvent diverger. Ceci dit, j’ai toute confiance en la VPP et en la LUSS pour mettre en place les structures de concertation nécessaires à l’élaboration de positions communes. Car, ensemble et unis, nous avons davantage de poids et nous pouvons mieux faire entendre notre voix ! »
Justement, au niveau de l’Association Muco, comment ferez-vous concrètement pour faire entendre votre voix à la LUSS et à la VPP et, a fortiori, au KCE ?
« Nos positions résultent des opinions et besoins réels des patients, grâce notamment à des questionnaires que nous leur soumettons, mais nous devons aller plus loin. Dès cet été, nous allons mettre en place un “think tank”, un organe de consultation permanent qui regroupera plusieurs dizaines de patients et de professionnels de la santé, dont nos médecins spécialistes. Dès qu’il sera question d’un remboursement pour la mucoviscidose, nous les solliciterons et organiserons des échanges à ce sujet. Objectif : nous mettre d’accord sur une position officielle unique que la LUSS et la VPP seront ensuite chargées de faire valoir au KCE. »
Selon vous, toutes les associations de patients sont-elles assez bien organisées et coordonnées pour participer davantage aux politiques de santé ?
« Cela dépend. La Belgique est un petit pays compliqué ! Nombre d’associations de patients se divisent entre néerlandophones et francophones. Cela peut se justifier, car les compétences en matière de santé sont de plus en plus régionalisées, divisées entre plusieurs gouvernements, plusieurs ministres, plusieurs administrations… ce qui complique les choses quand il s’agit d’uniformiser une mesure à l’échelle de tout le pays ! Il est donc essentiel de collaborer les uns avec les autres. C’est d’ailleurs un avantage de la LUSS et de la VPP : globalement, elles travaillent bien ensemble et parviennent à établir des stratégies communes cohérentes. » |